En la forêt d'Ennuyeuse Tristesse En la forêt d'Ennuyeuse Tristesse,
Un jour m'advint qu'à par moi cheminoye,
Et rencontrai l'Amoureuse Déesse
Qui m'appela, demandant où j'alloye.
Je répondis que, par Fortune, estoye
Is en exil en ce bois, long temps a,
Et qu'à bon droit appeler me pouvoye
L'homme égaré qui ne sait où il va.
En souriant, par sa trés grande humblesse,
E répondit : " Ami, si je savoye
Pourquoi tu es mis en cette détresse,
A mon pouvoir volontiers t'aideroye ;
Car, jà piéça, je mis ton coeur en voye
De tout plaisir, ne sais qui l'en ôta ;
Or me déplaît qu'à présent je te voye
L'homme égaré qui ne sait où il va.
Hélas ! dis-je, souveraine Princesse,
On fait savez, pourquoi le vous diroye ?
C'est par la Mort qui fait à tous rudesse,
Qui m'a tollu celle que tant amoye,
En qui était tout l'espoir que j'avoye,
Qui me guidait, si bien m'accompagna
En son vivant, que point ne me trouvoye
L'homme égaré qui ne sait où il va.
" Aveugle suis, ne sais où aller doye ;
De mon bâton, afin que ne fourvoye,
Je vais tâtant mon chemin çà et là ;
C'est grand pitié qu'il convient que je soye
L'homme égaré qui ne sait où il va ! "
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Charles d'Orleans,
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